[BG]Celemoor, Commandante de Valkur

CELEMOOR, L’ange de la mort.

Lorsque l’on veut connaître la vie d‘un pirate, je parle là de la véritable vie, il convient souvent de faire le tri entre les mythes, les légendes et la réalité. Je me suis exercé à ce difficile exercice en tentant de connaître la vie de Celemoor. Elle n’a rejoint ce monde où respect rime avec caractère, que depuis peu d’année. Pourtant déjà son nom ne se dit qu’à voix basse comme s’il allait attirer le diable, l’apparition de son navire glace d’effroi ses futurs victimes. Je vous livre donc là, le fruit de mes recherches en espérant que son portrait soit à la hauteur du respect qu’elle inspire.


Celemoor est une de ces jeunes filles qui aurait pu rester dans un beau palais de marbre, habillée de robes faites des tissus les plus précieux et entourée d’une cohorte de servantes. Toutefois ses parents désireux de lui apprendre qu’il convenait de montrer autant d’égards au lion qu’au rat, l’envoyèrent dans un petit port de pêche afin qu’elle apprenne la dure vie d’un simple gens. Ce dont il ne se doutait pas, c’est que la leçon se serait fort bien retenue, voir même un peu trop bien.

La petite fille vécut deux longues années au sein d’une modeste famille de pêcheur, triste vie pour une enfant, dont les journées s’écoulaient à rapiécer les voiles, réparer les filets et vider les poissons. Lorsqu’elle trouvait un instant de libre, généralement en fin de journée, elle courrait au sommet de la falaise, se couchait sur l’herbe et surveillait la mer avec ses amis en attendant les retours des hommes.

La vie s’écoulait lentement, jusqu’au jour où un étranger débarqua d’un navire marchand. L’homme était vêtu d’un long manteau noir et d’un bicorne, marchait en boitant et en s’appuyant sur une béquille. Son visage, qui portait les traces d’une longue vie en mer, était barré par une fine cicatrice. Le village n’était guère habitué à la venue d’étranger et l’étranger devint le sujet de discussion de tout le village. Cela d’autant que l’inquiétant personnage se montrait peu affable et discret. Lorsqu’il passait dans les rues les enfants fuyaient et les adultes s’écartaient en fuyant son regard comme s’il eut pu apporter le mauvais œil. Le bruit courrait que c’était un ancien pirate, qui avait décidé de prendre sa retraite et de couler des jours paisibles jusqu’à ce que son ultime compagne vienne le chercher.

Il n’en fallait pas plus pour éveiller la curiosité dans l’esprit d’une petite fille en manque d’aventure. Celemoor se mit donc à écouter tout ce qui se disait et à espionner ce mystérieux personnage. Elle apprit bien des choses sur Jack « le boiteux » , mais plus elle en savait, plus elle voulait en savoir. C’est ainsi que par un beau jour d’été, elle décida de s’introduire dans la demeure du pirate.

Ayant vu le pirate en ville, elle prit le petit chemin en direction de la modeste demeure du pirate. Elle poussa la porte avec douceur, celle ci s’ouvrit dans un léger grincement. Celemoor glissa la tête à l’intérieur de l’habitation, jeta un coup d’œil, puis se glissa à l’intérieur. Une forte odeur, mélange de rhum, de bougie et bois brûlé régnait à l’intérieur. La demeure était sommairement aménagée un âtre circulaire occupait le centre de la pièce autour de laquelle étaient disposé quatre tabourets très rustiques. Sur la gauche était installé en travers de la pièce en dessous duquel se trouvait un gros coffre cerclé de fer sur lequel on pouvait lire « Cdt Jack Busard - La flibustière des Antilles ». Celemoor s’apprêta à ouvrir le coffre, pensant y trouver un trésor, mais elle se ravisa. Ce n’était pas correct de s’introduire chez quelqu’un, mais fouiller dans ses affaires s’étaient un pas qu’elle ne put franchir. Elle se tourna donc vers l’autre côté de la pièce où se trouvait une table disposée devant une fenêtre qui donnait sur la mer. Sur la rustique table de chêne se trouvait des livres, des parchemins, un encrier et une plume. Un parchemin était déroulé sur la table, retenue à un bout par une boussole et de l’autre par un sextant. Celemoor s’approcha, s’assit à genoux sur la chaise et observa le document. C’était une carte, on voyait les îles, Ekarys, Nivalis… D’autres noms étaient inscrit en plus petit, le passage de l’enfer, le cap des veuves, l’impasse du repos. De tels noms étaient propres à éveiller les rêves dont l’esprit de la petite fille était emplie.

Ces rêves furent brutalement interrompu par le grincement de la porte. Elle avait portant l’impression de n’être là que depuis cinq minutes, perdu dans ces rêves de courses en mer, elle avait oublié le temps qui passe. Il était de retour, elle était prise au piège, il était là toujours vêtu de son manteau noir, elle cherchait du regard une cachette, recherche vaine au vu de la sobriété de l’aménagement de la demeure. Au vue de la gamine, le pirate fut d’abord fort surpris, puis il entra dans un rage folle, la traitant de petite voleuse. L’homme sortit son sabre et la regarda de son regard le plus noir ; de son côté Celemoor cherchait un moyen d’échapper à un destin funeste, ou mieux de sortir de cette maison, sortit qui se trouvait derrière le pirate. Bien entendu, le pirate n’avait nullement l’intention de faire passer la petite fille de vie à trépas, mais plutôt envie de lui flanquer une bonne trouille ou tout au plus de lui botter les fesses. Une petite poursuite s’engagea dans la demeure exigu entre la petite fille aussi vive et agile qu’un singe et le vieux pirate boiteux qui barrait toujours la sortie de la maison. Celemoor tentait en même temps de faire entendre raison au pirate qui continuait à jurer de plus belle, jusqu’à ce qu’elle lui annonça, pleine d’aplomb qu’elle voulait devenir une pirate. Le pirate se tut, regarda la petite fille avec de grand yeux ronds stupéfaits , puis se mit à rire à gorge déployée en se tenant le ventre.

Dans l’esprit du pirate, cela ressemblait une bonne blague ou à un coup de bluff enfin de fuir. Il riait aux larmes, il jeta un coup d’oeil à la gamine, et ce qu’il vit le stupéfia. La gosse était toujours là, les bras croisés sur la poitrine, la mine grave, et le regard sévère. Le pirate fut pris d’un doute, il regarda Celemoor dans le blanc des yeux, et lui demanda si elle voulait devenir réellement pirate, ce que la petite se dépêcha de confirmer. Le pirate savait bien que ce n’était pas une vie pour une gamine, il lui fallait donc la dissuader, en lui autant ses jolies rêves de petites filles de son esprit. Il l’invita donc à s’asseoir sur un des tabourets tandis qu’il allumait un feu. Une fois celui ci allumé, il saisit une bouteille de rhum, bourra et alluma sa pipe et alla s’asseoir en face de la gamine. Une fois assuré qu’il était confortablement installé, il commença à raconter ses aventures en épargnant nul détail à la petite fille afin de l’effrayer et de lui ôter ses rêves. Les heures passant le soleil déclina, jusqu’à ce que sonne l’heure du retour au foyer pour Celemoor. Elle dit donc adieu à son ami Jack en serrant sa main calleuse, et s’en retourna sous le regard du pirate qui pensait bien en avoir finit avec cette gamine.

Le soleil était déjà haut dans le ciel. Jack était encore dans son hamac, savourant le bonheur de pouvoir s’accorder une grasse matinée, lorsque l’on frappa à la porte. Il se leva de mauvaise grâce, maudissant par avance celui qui l’obligeait à se lever. Il jeta son manteau sur ses épaules et alla ouvrir. Il ne vit d’abord personne, puis baissant les yeux, il vit la petite fille qui souriait en le regardant, il se frotta les yeux, se mit une claque croyant avoir à faire à mauvais rêve, mais Celemoor était bien devant lui.

Il lui demanda ce qu’elle désirait et lui répondit d’un ton ferme et décidé qu’elle voulait devenir pirate. Jack fut pris d’un grand découragement devant la volonté inébranlable de la gosse. Il entra, suivi par la petite, se servit un grand verre de rhum, se plongea la tête dans un seau d’eau, puis se retourna pour s’assurer qu’il avait bien vu. A son grand désespoir, elle était toujours là, assise sur la chaise devant les cartes. Jack essaya de la raisonner, de lui expliquer que la vie dans les navires était terrible, les rats, la faim, la soif, le scorbut, les tempêtes, les naufrages, les combats… Rien n’y fit la gamine voulait être pirate.

Les jours passant, la visite de « la gamine », comme l’appelait affectueusement Jack, devenait quotidienne. En fin d’après midi, Celemoor filait à l’insu de tout le monde vers la maison de Jack et se faisait expliquer les cartes, les manœuvres, les tactiques. Au début, Jack avait pensé que la gamine abandonnerait, puis peu à peu il n’avait plus cherché à la dissuader ou l’éloigner trouvant sa présence bien agréable. Celemoor apprenait vite au contact de ce vieux loup de mer, bientôt les cartes, la boussole et le sextant n’urent plus de secrets pour elle, tandis que Jack oubliait peu à peu qu’il avait à faire à une enfant. Oublie qui permis à Celemoor d’apprendre à se servir d’un sabre, d’une hache d’abordage et des pistolets. Pistolets qui faillirent la trahir lorsqu’elle revint à la maison en sentant fortement la poudre noire, heureusement quelques mensonges plus tard, l’affaire était oubliée.

Quelques mois plus tard, alors qu’elle se rendait toujours secrètement chez Jack. Elle fut surprise de ne pas voir son ami l’attendant sur le pas de la porte comme il le faisait à l’accoutumé. Elle frappa, sans obtenir de réponse. Elle poussa la porte et osa un regard à l’intérieur, vit que Jack était toujours dans son hamac. Celemoor s’approcha de lui, décidé à le réveiller doucement, lui prit la main, main qu’elle lâcha de suite… Sa main était froide, glaciale. Il ne lui fallut pas longtemps pour comprendre que Jack avait rejoint celle qu’il appelait son éternelle maîtresse. Celemoor pleura à chaudes larmes, puis se raisonna en se disant que Jack lui avait apprit le courage et qu’il la surveillait de là-haut. Celemoor se saisit donc de tout ce qui pourrait lui être utile, sextant, boussole, cartes, qu’elle fourra rapidement dans un sac qu’elle jeta sur son dos. Elle s’empara de la paire de pistolets et du sabre de son ami et alla cacher tout cela bien à l’abri. Puis, les yeux encore rougis, elle prit la direction du port d’un pas pressé.

Le soleil chassait les dernières brumes matinales, la mer était calme et les quelques bateaux encore présents dans le port dansaient sur les flots au bout de leurs amarres. Son regard ne cherchait qu’une chose, chose qu’elle trouvant rapidement. Deux puissants navires attendaient dans le port attendant un proche départ. Le premier était un modeste brigantin fin et léger qui appartenait à des marchands, l’autre était un solide brick à la coque noire barrée d’un trait jaune dont la provenance était douteuse. C’est sur ce dernier qu’elle s’embarquerait, ainsi en avait-elle décidé.

Bien entendu, elle savait fort bien que son jeune age ne lui permettrait pas d’embarquer officiellement, le fait d’être une fille diminuant encore ses chances. Une superstition disait que les femmes portaient malheur à bord d’un navire. Elle fila donc à la maison, chipa une paire de ciseaux et des vêtements appartenant à un des garçons de la famille afin de les cacher avec le sac. Ceci fait, elle alla effectuer ses tâches quotidiennes comme à son habitude.

Le soir venu, la petite fille souhaita une bonne nuit à toutes la famille et fila se coucher. Lorsque les douze coups de minuit sonnèrent, elle ouvrit la fenêtre de sa chambre, sauta d’un bond à l’extérieur et fila vers la cachette. Elle se saisit des ciseaux, coupa ses longs cheveux et mit un fichu sur sa tête afin de masquer sa coupe peu conventionnelle. Puis elle revêtit le pantalon et la chemise de mauvais coton, puis enterra les cheveux et la robe. Celemoor était prête pour l’aventure, elle allait réaliser son rêve. Saisissant son sac, elle descendit vers le port, d’un pas pressé, manquant par plusieurs fois de tomber. Arrivé sur le port, une grand déconvenue l’attendait. Le brick n’était plus là… Elle pouvait encore voir, au loin, les voiles blanches du navire qui disparaissait peu à peu. Ne pouvant faire marche arrière, elle s’avança sur le quai jusqu’au brigantin et montait discrètement à son bord, il n’y avait aucune vie à bord hormis une sentinelle qui ronflait bruyamment. Sans un bruit, elle emprunta une des descentes menant à l’entrepont, avant de filer vers la cale. Une fois dans la cale, elle fut surprise de ne point y trouver de marchandises qui lui aurait permis de se cacher. Elle se cacha donc derrière quelques tonneaux, calé contre une membrure du navire et s’endormit d’un sommeil profond.

Voilà bien deux jours, que le navire voguait. Personne n’avait découvert sa présence à bord, toujours cachée dans son coin, se déplaçant discrètement pour visiter la cale. Visite qui n’avait pour but que de trouver de la nourriture, car dans son empressement, elle avait omis de prendre des vivres. Elle était maintenant prise de violente crampe d’estomac et ne pouvait se résoudre à dévoiler sa présence.

Ce n’est qu’au bout de trois longs jours sans manger qu’elle dut se résoudre à se rendre sur le pont. Elle mit son sabre en bandoulière, rangea ses affaires dans le sac et remonta vers le pont. Elle poussa la trappe et tout devint blanc. Elle se sentit comme repousser à l’intérieur du navire, bien que ne voyant rien, elle comprit que c’était le vent. Elle entendit des cris, se sentit soulever de terre, entendit des rires, elle tenta de donner des coups de pied, de se dégager, rien n‘y faisait.

Peu à peu ses yeux s’habituèrent à la lumière. Elle était tenue par le col par un colosse, devant le regard des marins stupéfaits. La capitaine lui demanda ce qu’elle faisait là (Il dit « il » ne se doutant pas de la supercherie). Ce à quoi elle répondit qu’elle voulait devenir pirate, provoquant l’hilarité de l’équipage. Le capitaine se présenta comme étant Robert « le chanceux », c’est à cette instant qu’elle comprit qu’elle venait de rentrer de plein pied dans le monde des pirates. Après quoi le capitaine lui apprit que le dernier mousse du navire était mort du typhus et qu’elle avait le choix entre être balancée par-dessus bord ou prendre le poste de mousse. Sa grande sagesse lui dicta de choisir cette dernière solution. C’est ainsi que Celemoor devient mousse à bord de « la furieuse ».

Les mois de mer passaient, désormais Celemoor avait son hamac et son coffre à son nom, participait à toutes les manœuvres. Sa seule frustration venait du fait qu’à chaque combat, le capitaine l’envoyait à fond de cale avec ordre d’attendre que l’on vienne la chercher pour en sortir. Toutefois elle avait participé à l’approche des navires et n’était pas peu fière de monter à bord de la prise afin d’aider au pillage de la victime.

La liste des victimes s’allongeait au fils des jours, et plus elle s’allongeait, plus la patience de Celemoor diminuait. Ce fut par un très beau jour d’été que Celemoor prouva qu’elle était capable de se battre.
« La furieuse » voguait par vent de travers sur une mer calme, le capitaine s’était retiré dans sa cabine et Celemoor s’était installé près de l’homme de quart. Elle regardait les voiles gonflée par le vent, lorsque la vigie signala la présence d’un navire. Aussitôt ce qui était un navire en plein sommeil devient une fourmilière. Le capitaine jaillit de sa cabine, donna calmement les ordres de manœuvre, prit sa longue vue afin d’identifier la future victime. C’était un lourd navire marchand qui revenait probablement des nouvelles colonies de Nivalis ou d’Azkenor. Il n’en fallut pas plus pour attirer la convoitise des pirates. Celemoor courrait dans tout les sens apportant ici un petit tonneau de poudre, là des boulets. Comme à son habitude le capitaine mena fort bien la manœuvre et prépara l’abordage en envoyant Celemoor dans la cale. Son cœur s’emplit de rage, elle alla à son coffre s’assit dessus à commença à ronchonner.
Le tumulte des combats qui faisait rage au-dessus lui parvenait, assourdi. Lassée d’attendre, Celemoor prit son sabre, le soupesa et, d’un pas décidé, prit la direction du pont supérieur. Les corps à corps faisaient rage, les sabres taillaient , les haches frappaient. Celemoor évita un coup de hache, puis un autre, pour répondre par un coup de sabre qui fit passé sa victime de vie à trépas. Une main lui saisit l’épaule, par réflexe, elle envoya un coup de sabre envoyant ce quidam rejoindre son compagnon d’infortune. Celemoor frappait, esquivait, taillait, feintait, peu à peu les combats se calmèrent et les derniers survivants se rendirent. Les pirates virent alors la gamine debout au milieu d’une dizaine de corps, le visage et les cheveux rougis par le sang semblant s’accorder avec sa veste d’un rouge vif. De ce jour, elle fut appelée « le petit diable » et ne retourna plus jamais au fond des cales, attendant avec ces compagnons le choc du combat.

Les mois, les années passèrent, l’équipage avaient totalement intégré Celemoor. « La Furieuse » continuait sa route, arraisonnant et pillant les navires, voguant d’une flûte à un brigantin. Toutefois cela n’était pas sans effet sur Celemoor.

Si son expérience s’était accru et qu’elle était maintenant lieutenant, ce n’était pas le seul changement. Les traits de son visage étaient devenus plus fins et son corps commençait à prendre quelques rondeurs typiquement féminines. Bien entendu au début, Celemoor s’était arrangée pour masquer cela. Elle portait des chemises plus ample, lorsque le temps s’y prêtait, elle portait un large manteau. Mais l’on ne peut pas arrêter la nature lorsqu’elle est en marche. Bientôt ses compagnons se mirent à la regarder différemment, certains murmuraient dans son dos. Vint le jour, où ce qui devait arriver, arriva.

C’était un beau matin ensoleillé, la douce brise gonflait les voiles. Celemoor était sur le pont veillant à la bonne exécution des manœuvres, lorsque le capitaine sortit de sa cabine et la héla. Elle accourut, suivit le capitaine à l’intérieur. Le capitaine n’était pas dupe même s’il n’avait rien laissé paraître. Une longue conversation s’en suivit sur son histoire et son avenir au sein de l’équipage. Le capitaine n’est pas sot, il savait fort bien que se séparer d’elle eut été une erreur. Ils convinrent donc d’avouer la vérité à l’équipage. Une partie de l’équipage fut surpris, tandis que pour l’autre ce n’était que la confirmation de ce qu’ils pressentaient. Bien entendu, il y eut quelques heurts, ainsi « Le gaucho », l’une des fines lames de l’équipage, eut la main baladeuse. Mal lui en prit puisqu’il dut apprendre à se battre de la main droite. Un de ses compagnons dut renoncer à toutes idées de descendance après un moment d’égarement. Mais hormis quelques incidents la présence de la jeune fille, qui pour l’occasion devint « la petite diablesse » fut acceptée comme si rien n’avait changé. La course en mer reprit de plus belle, d’un pillage à un autre.

Voilà plusieurs jours que « La Furieuse » filait plein sud, le capitaine en avait décidé ainsi. Celemoor se tenait à côté de la barre, contrôlant à intervalle régulier la tenue du cap et reportant la route parcourue sur la carte. Elle s’aperçut rapidement que le navire n’allait vers nulle part. En effet, le navire se trouvait maintenant bien plus au sud que les dernières îles reportées sur la carte. Celemoor avait bien remarqué que depuis quelques jours le capitaine semblait éviter les combats et qu’aucun des hommes d’équipage ne semblait trouver à y redire. Elle avait également remarqué que l’équipage semblait de plus en plus nerveux.

Elle s’assurait une nouvelle fois que le cap était bien suivit, lorsque le capitaine sortit de sa cabine et prit la longue vue. Il la porta son œil, observant la mer, puis un sourire se dessina sur son visage. Il tendit la longue vue à la jeune fille qui fit observa dans la direction que lui indiquait le capitaine. Ce qu’elle vit la surpris… Une île, une île inconnue de l’usurpateur. Elle n’eut pas le temps de poser la moindre question que le capitaine avait pris la barre. Il mena le navire vers l’ouest de l’île, puis mit le cap droit sur la barrière de corail, quelques habiles manœuvres lui permit de franchir celle sans encombre. Puis il remit le cap droit vers l’île dans les eaux peu profondes qui l’entourait. « La furieuse » pénétra dans une crique où déjà trois autres navires attendaient ancrés au fond. C’était trois bricks, deux d’entre eux resplendissait par leur beauté, troisième portait les affres d’un récent combat.

« La Furieuse » se rangea près des autres navires et jeta l’ancre. Le capitaine fit mettre une chaloupe à l’eau, s’embarqua à son bord avec quatre hommes et prit la direction de l‘île. Celemoor était nerveuse, elle ne savait pas pourquoi mais cela la rendait nerveuse. Elle se rapprocha de l’un des vieux marins de l’équipage afin de s’enquérir du but de ce rassemblement. C’est ainsi qu’elle apprit que le chef des frères de la côte ainsi que ses deux meilleurs capitaines se réunissait de temps à autre afin de prendre certaines décisions importantes.

L’équipage après avoir carguer les voiles, se reposa sur le pont. Les hommes sculptaient de petits objets, jouaient de la musique, chantaient… une atmosphère de détente tentait de briser cette atmosphère pesante. Celemoor méditait en jouant avec son doublon d’or qu’elle faisait passer avec habileté entre ses doigts.

C’est vers le milieu de l’après-midi que le capitaine revint les hommes regardaient le capitaine revenir avec son escorte. Une fois la chaloupe arrivée au pied de l’échelle, le capitaine interpella Celemoor afin qu’elle descende. La jeune fille faillit avoir le cœur qui se décroche lorsqu’il l’appela, tout l’équipage se tourna vers elle. Tous ces yeux braqués sur elle lui donnaient soudain l’envie d’être une petite souris et d’aller se cacher. Qu’allait il devenir d’elle ? Elle n’avait d’autres choix que d’aller de l’avant.

Elle s’embarqua donc aux côtés de son capitaine et les rameurs les emmenèrent tous les deux vers l’île. Une fois mis le pied à terre, ils s’enfoncèrent dans la jungle, marchant jusqu’à une petite clairière. Dans la clairière, deux autres pirates attendaient, assis sur de petits tonneaux. Ils l’accueillirent, lui montrèrent un tonneaux libre et se présentèrent à elle. Le premier, de petite taille, avait un long visage, une petite moustache fine, un petit bouc et deux petits yeux noirs qui semblait contenir toute la haine de l’empire. Le second était une sorte de colosse qui se présenta comme le chef des frères de la côte. Une montagne au visage rond et rieur entouré d’une épaisse barbe noire. La conversation commença entre les trois capitaines qui discutèrent longuement de Celemoor. Cette dernière n’osant piper mots devant des personnages aussi importants. Puis après plusieurs heures de débat, ils décidèrent d’accorder le titre de capitaine à Celemoor jusqu’à ce qu’elle fasse ses preuves, c’est à dire rapporter 50.000 pépites d’ici deux mois. Trop heureuse de devenir capitaine, elle promit de revenir non pas avec les 50.000 pépites mais avec le double.

Le navire dont Celemoor venait de prendre le commandement était en bien mauvais état. Les voiles, la coque et la mature avaient subit de nombreux dommages toutefois il n’était pas question de rester ancrer jusqu’à la fin des réparations. Ainsi le navire repris la mer, tandis que l’on réparait les dommages. Les voiles poussèrent rapidement le brick qui commença à roder sur les routes maritimes qu’empruntaient les navires marchands. La chasse fut fructueuse, rapidement la liste des victimes s’allongeait, les cales du brick se chargeaient peu à peu d’or, tandis que le temps s’écoulait et l’échéance approchait. Toutefois si Celemoor avait bien collecté les 50 000 pépites, elle était encore loin du compte et chaque jour qui passait la rendait plus nerveuse.

Il ne restait que deux jours, la nuit était particulièrement sombre du fait de l’absence de lune, de plus de grands bans de brume flottaient au-dessus des flots. Le brick avançait doucement poussé par une petit brise nocturne. L’équipage de quart veillait pour maintenir le cap tout en cherchant une éventuelle proie dans les ténèbres. Lorsque l’un des hommes montra une direction en pointant du doigt, aussitôt, Celemoor se saisit de sa lunette et fouilla l’obscurité et la brume. Ce qu’elle vit la partagea entre l’effroi et l’appât du gain.

Là, ancré à quelques encablures de la côte se tenait un puissant galion portant les couleurs impériales. Attaquer un vaisseau de l’usurpateur était considérer comme un crime extrêmement grave. De plus le galion était certes une jolie proie, mais il n‘en était pas moins un puissant navire qui surclassait aisément le brick. Affronté un tel navire en plein jour relevait de la folie. Mais de nuit en usant de quelques ruses et d’une bonne part de courage, cela pouvait être jouable.

Après avoir réveiller l’équipage avec toute la discrétion possible et avoir stopper le brick au cœur des bancs de brume afin de masquer le navire. Doucement les chaloupes furent mises à l’eau, les hommes descendirent à leur bord et prirent discrètement la direction du galion.

Celemoor avait pris place à bord de la première chaloupe. Lentement ils approchèrent du gaillard arrière, passant tout près du gouvernail. Elle admira les sculptures et les dorures qui ornait cette partie du navire, puis ils firent glisser la chaloupe le long de la muraille du navire. Les grappins furent lancés, les hommes grimpèrent à bord du vaisseau, les sentinelles furent réduites au silence.
Quelques pirates s’empressèrent de s’emparer des points stratégiques du navire et de s’assurer du nombre d’hommes à bord. Cette dernière inquiétude fut vite écarter, l’équipage semblait avoir été envoyé en permission à terre. Celemoor se rendit vers les cabines et écouta à la porte, au bruit qui lui parvenait, elle comprit que les officiers avaient organisé un banquet.

Tandis que quelques hommes montaient la garde devant la porte des cabines, les autres pirates entreprirent de mettre les chaloupes du galion à la mer et d’ouvrir les sabords. Puis lentement et sûrement, tels des fourmis, les pirates transférèrent les marchandises du galion en direction du brick. Peu à peu les chaloupes furent remplies d’or, de tout l’or que transportait ce galion.

Après trois longues heures de travail stressant dans le silence et l’obscurité, les pirates en avaient fini. Celemoor fit enclouer les canons, puis elle rédigea un court message, qu’elle fixa à l’aide d’un poignard sur le grand mat.


Avec tous mes remerciements

Celemoor

Puis de retour sur le brick, les pirates firent voile vers le sud. Les cales chargées d’or, le cœur chargé de joie. Tandis que l’histoire de cet exploit courrait de bouches à oreilles au sein des petites gens.