Comptoire de la salle de réception

Célébrindal était restée muette pendant un temps interminable...Elle écoutait avec plaisir les propos de son interlocuteur qui se montrait particulièrement charmant à son égard. Mais lorsqu'il lui demanda à nouveau de lui parler d'elle, de son histoire, la Guerrière Oubliée se replongea dans des souvenirs anciens et plus récents particulièrement douloureux...
Comment pourrait-elle parler d'elle même sans laisser transparaître ses fragilités ? Sa vie l'avait malmenée et elle se rendait soudainement compte à quel point elle était seule !

- Mon cher hôte, je vous rejoins totalement sur le temps jadis où Ekarys était animée de moult combats tous plus passionnants les uns que les autres, menés de main de maître par des guerriers émérites dont le renom fait encore écho aujourd'hui.

Je ne déplore pas la disparition des Templiers qui, comme vous le savez certainement, étaient les ennemis légendaires des GO.

Hélas, aujourd'hui je me sens lasse de tout ça. Il me faut trouver un but quelconque, une raison de poursuivre l'entraînement de mes hommes aux combats. Je me surprends de plus en plus souvent à me laisser envahir par un souhait de rejoindre mon bien aimé dans sa retraite. Pourtant les Guerriers Oubliés semblent encore avoir besoin de moi, je suis investie d'une mission malgré moi..

La lassitude pouvait se lire le visage de la guerrière et ses yeux s'emplissaient de larmes qu'elle ne pouvait contenir. Célébrindal s'affaiblissait à vue d'oeil et tenta de se ressaisir pour ne pas laisser transparaître une quelconque défaillance.

Athanase regardait son interlocutrice masquer son regard humide.
Il s'en voulut d'avoir provoquer de tristes pensées.

"Madame, je vous prie de bien vouloir me pardonner.
Je ne tramais pas de vous causer du chagrin.
N'ayez point honte de vos larmes. Il est tout à votre honneur de laisser transparaître votre émoi."

Athanase se tue un instant, puis après un soupire de concentration, il leva légèrement le bras. Sa main suivit plus doucement son mouvement.
"Karon dour ha spederel kadarn"

"Les larmes que laissait échapper Célébrindal dansèrent alors en direction des doigts d'Athanase. Il prit alors une broche argenté de sur son manteau et y déposa les perles d'eau a présent solides. La broche se modifia et harmonisa les bijoux aquatiques tel un ciel étoilé en mouvement.
En même temps qu'il se remit à parler, Athanase déposa le bijoux devant elle.

"Les larmes ne sont points les signes d'une faiblesse, mais une preuve de caractère.
Je comprends votre lassitude, il me semble la partager.
Cependant, je m'en voudrais de partir de ce fait.
Nous sommes des guerriers.
Quand plus que maintenant les notres ont besoin de notre présence?
En cette période de désordre, il nous est nécessaire d'assurer un chemin.

Il m'arrive aussi de vouloir retourner à ma vie d'avant, de ne posséder que moi ou mes amis comme responsabilité.
D'accomplir les quêtes qui me sont chères.
Mais il y a quelque chose qui me pousse à avancer encore.
Quand je l'aurai trouvé, il sera temps de partir.
De cet entrefait, je suis toutefois heureux de rencontrer des gens comme vous.
Ne baissez pas les bras..."

Célébrindal se laissa impressionnée par ce qui venait de se passer sous ses yeux. Elle n'aurait jamais pu imaginer que ses larmes puissent ainsi être transformées. Son interlocuteur était très énigmatique, mais tellement charmant. Dans cette noire période qu'elle vivait, échanger avec un tel guerrier faisait un bien fou à la guerrière. Un bien-être l'envahissait petit à petit et secrètement, elle espérait que cet instant dure une éternité. Les propos chaleureux et réconfortants qu'il tenait l'encourageaient à reprendre en main son destin, à retrouver une place qu'elle perdait petit à petit à force de s'effacer de la vie publique.

- Mon cher ami, puis-je vous appeler ainsi ? Il m'est fort réconfortant de converser avec vous. Je me rends compte à quel point d'autres que moi vivent des moments de lassitude et cela me pousse à croire que d'entretenir des relations telles que la nôtre ne peut être que bénéfique. Je vais réagir dans le sens où vous me le conseillez et ne pas baisser les bras.
Cela me ferez plus grand plaisir de vous accueillir en Calacirya lorsque l'occasion se présentera. J'ai d'ailleurs été informée du passage de mes troupes sur vos terres, il y a quelques temps de cela, et je veillerai à ce que cela ne se reproduise plus. Je dois vous avouer que votre compagnie m'est fort agréable.

A ces derniers mots, Célébrindal ressentit une certaine gêne. Elle ne voulait pas installer d'ambiguïté avec cet homme qu'elle appréciait pourtant tellement, elle craignait également que le pouvoir dont elle était dotée ne vienne se mêler à cette relation. Il fallait qu'elle fasse preuve de la plus grande prudence et savait ce qu'elle devait surtout éviter de faire pour que rien ne se produise.

Les paroles timides de la jeune femme fit sourire le guerrier.
Il y a longtemps qu'il n'avait été sincères sur ces sentiments.
Les doutes, qui le tiraillaient, semblaient peser moins lourd en son coeur.
Même s'il n'avait pas la confiance facile, Athanase souhaita tout de même échapper quelques bribes de son histoire.

- Merci de me voir comme un ami!
Je n'en espérais pas tant.
D'aucun aurait succombé à votre charme sur des mots plus évoquateurs.
Mais de ces paroles sincères et réfléchis sans équivoque, je reconnais bien là un chef de guilde.
Je vois à votre gêne que vous avez peur de blesser.
Cela rend vos failles d'autant plus touchantes.

De la tête, il acquiesa ses mots.
Cela me flatte! Votre mari à bien de la chance!

Cependant, je ne sais ce qui me protège de votre pouvoir.
Est-ce le fait que je sois surnaturel de par mes parents ou plutôt l'amour que je porte à ma chère et tendre.
Toujours est-il que j'aprécie avec autant d'intérêt votre compagnie.

Pour être franc, ces derniers temps je ressens la même lassitude.
Même si mon but n'est pas de prendre ma retraite, il m'est de plus en plus difficile de comprendre la monde sur Ekarys.
Mes troupes se renforcent et s'expérimentent peu à peu.
Mais, je rencontre tant de royaume perfident, immoraux et condescendant....

A tel point que je me demande comment peuvent-ils avoir l'honneur d'être à la tête d'une armée sans que celle-ci ne se rebelle?

Que les choses soient claires.
Je n'en veux aucunement à vos troupes d'être venu sur mes terres.
Après quelques temps de repos, elle s'en est trouvée plus forte.
Après une fête, je crois que ceci sera une légende pour une longue amitié entre nos deux peuples.

Je crois que sans vous et mes amis "éclaireurs", "dragons maudits" ou "Loups de Keliath".
Je crois qu'il y a longtemps que je serais parti afin de retrouver le monde auquel j'appartiens.

Cependant, il arrivera un moment où il faudra que je parte.
Je ne sais pas quand ni comment, mais j'ai le présentiment que cela peut arriver à n'importe quand.
Cela étant, je ne partirai pas ainsi sans vous avertir.

Athanase s'aperçut que les paroles qu'il avait prodigué à son interlocutrice peinait à se faire ressentir.
Après un air quelque peu vide, il se resaisit et avec un sourire plus accueillant il continua :

- Je deviens pompeux!
Je crois qu'il est d'intérêt de trouver une conversation plus joyeuse!

Célébrindal trouvait cet homme vraiment attendrissant. Rares guerriers étaient ceux qui se livraient ainsi et Athanase le faisait avec une pudeur remarquable. Cependant, Célé sourit à certains propos tenus par son interlocuteur et se sentit contrainte de lui révéler à son tour quelques bribes de son histoire :

- Messire, ne croyez pas être protégé de mon pouvoir ! Nul homme ici bas ne l'est.

J'ai découvert ceci il y a peu de temps. Une voix est venue me le révéler alors que je courais un grand danger. Et cette voix résonne encore moi car c'est celle de ma mère.
Elle a quitté ce monde alors que je n'étais encore qu'une toute petite fille et n'a pu de ce fait m'initier à mon héritage. La lignée féminine de ma famille est particulière et je m'en rends compte jour après jour.

Je suis dans un perpétuel combat, devant refouler tous mes plaisirs pour ne pas causer cataclysme autour de moi. Croyez moi, ma vie n'est pas simple.

Vous dites que mon mari a bien de la chance, mais seule une grande confiance de sa part et un amour imparable m'aident à lutter contre mes vieux démons.

Mais vous avez raison, passons à un discours plus enchanteur, car mes paroles ne sont guères plus gaies que les vôtres.
De votre personne émane beaucoup de sympathie et faire de vous mon ami me serait fort agréable. Sachez cependant que cela ne sera pas sans risque.

D'un geste, Célé releva sa blonde longue chevelure, elle avait soudainement chaud.

Athanase se sentit comme défié et quelque peu sous-estimé.
Mais, étrangement, celà lui plû. Il se ragaillardit et laissa échapper un petit rire à peine perceptible.
Sa voix ronronnante se fit amical et sincère.

- Sachez, belle dame, que je ne suis jamais intimidé par un quelconque danger de ce genre.
S'il s'agit de mes amis, il n'y a aucune mesure à la reflexion.
Je suis prêt à offrir ma vie éternelle pour eux.

L'amitié homme-femme reste toutefois un jeu de séduction.
A moins que naissent quelques sentiments pour moi, nous n'avons point de soucis à se faire! dit-il d'un sourire timide.

J'estime que nous sommes fait pour des personnes bien précises.
Toute séduction est bonne à l'amitié.

Je reste convaincu que votre époux a de la chance.
Quel homme ne serait pas fiert d'offrir sa vie pour protéger celle qu'il aime.
Et quand bien même, le pire des dangers ne saurait nous faire reculer.
La seule peur qui a sa place est celle de ne pas être là au bon moment ou d'être impuissant face à une quelconque situation.

Je ne sais pas ce qui vous ronge, mais j'ai appris il y a peu que j'étais le fruit de l'amour entre un ange et un démon.
Il m'arrive aussi de rencontrer quelques soucis...!

à ces mots, Athanase rit plus franchement.
C'était la première fois qu'il parlait sans honte de sa nature.
En discutant avec la jeune femme, il accepta ce qu'il était et son âme s'en trouva plus legère qu'elle puisse être en ces temps sombres.

Je ne dis pas que mes problèmes sont plus importants que les votres.
Disons que j'ai fini par comprendre un peu mieux quelques moments insolites de ma vie.
Mais croyez bien que je peux comprendre un temps soit peu ce que vous vivez!
Ce n'est pas cela qui me détournera de notre amitié...
Mais peut-être esses vous qui serez effrayé par ma nature...!

Karon Athanase prit une gorgée et s'aperçut que son verre le grisait bien moins que leur discussion...

Célébrindal se laissait bercer par les propos de cet homme et par sa voix envoûtante. Elle avait passé tant de moments pénibles qu'elle avait envie de se laisser baigner du bien-être qu'elle ressentait lors de moments si agréables. Décidément Athanase n'avait rien d'un démon, il avait en lui la parole des sages, chaque mot était juste et plein de sens. Le don oratoire est souvent plus pertinent que le don de l'épée. Vraiment, cette rencontre était des plus intéressante.

- Nous ne sommes point ici pour comparer les obstacles de nos vies. Nous vivons dans un monde où chacun porte une croix et nous savons fort bien qu'elle est lourde pour celui qui la porte. Nous nous connaissons à peine et pourtant je sens en vous l'âme d'un confident.
Il serait sans doute nécessaire que je puisse un jour déposer mon fardeau auprès de quelqu'un, cependant je crains fort que de révéler mes origines ne complique les choses. Même le grand Ulysse ,lors de son Odyssée, a dû lutter contre ce "don" dont je suis dotée !

Je suis très touchée que vous me fassiez part de votre ascendance, mais comme vous l'avez si bien dit, vous êtes le fruit de l'amour ! L'amour est plus fort que tout et votre côté démon pourrait devenir une force positive. Savoir que vous êtes à moitié démon ne me fera pas fuir, au contraire cela m'intrigue, m'attire susurra-t-elle.

Célébrindal se détendait de plus en plus, et tel un félin, elle s'étira avant de se réinstaller confortablement sur sa chaise. Visiblement, elle n'avait pas envie de quitter ce lieu, ou plutôt ce guerrier...

Après des mois de mer, des mois passés à arraisonner, piller, couler des navires, La Vierge de Jade, son redoutable équipage et la charmante Celemoor était de retour. Alors que les brumes matinales tardaient à se lever, la sinistre silhouette du navire pirate était apparut entre deux bans. Sa ligne de flottaison très haute annonçait déjà que la chasse avait été fructueuse.
Bientôt à quai, les receleurs et marchands peu scrupuleux s’étaient pressés autour du navire et de sa précieuse marchandise. Laissant cette tâche ennuyeuse à son second, la jeune pirate avait décidé d’aller courir les rues de la ville, les boutiques.
Car il faut bien le dire, celebret n’était plus une adolescente tumultueuse, elle était maintenant une séduisante jeune femme… tumultueuse. Elle avait toujours cette grâce aérienne qu’elle tenait de sa mère. La même chevelure rousse qui flottait au vente comme un pavillon flotterait au sommet du grands mat. Le même regard sombre et profond qui pouvait se montrer caressant comme celui du chat endormie au coin du feu ou perçant comme le trait d’un arbalète. Elle avait tellement changé et si peu…
Elle arriva jusqu’au devant de la porte du Pacte. Elle regarda la porte, se demandant depuis combien de temps elle n’était point venue… Elle ne trouva point de réponse à cette question, certainement trop longtemps.
Déterminée, elle poussa la porte d’un geste sec, entra et laissa la porte se refermer derrière elle. La jeune femme jeta un regard circulaire dans la salle. Regard qui s’arrêta sur une silhouette, son cœur bondit dans sa poitrine. Elle aurait voulu courir et lui sauter au cou, mais ses jambes refusaient d’obéir. Elle ne laissa échapper qu’un timide :

- M… Ma… Maman ?

Célébrindal, dans une semi torpeur, entendit une voix qu'il lui était connue :

- M… Ma… Maman ?

Se plonger ainsi dans son passé ne lui valait rien de bon ! Elle souffrait depuis tant de temps de la séparation d'avec ses enfants. Celemoor et Kyrian, les merveilleux jumeaux qu'elle avait conçus avec Kyriel étaient désormais bien loin. Ils lui manquaient tant !
Alors que ces souvenirs assombrissaient ses yeux, elle tourna machinalement la tête vers la porte.
D'un geste vif, elle se leva, reversant sa chaise.

- Celemoor ! C'est toi ? La pauvre femme avait peur d'halluciner.
Tu es devenue une magnifique jeune femme, tu as donc laisser de côté ta panoplie de pirate ? Mais où étais tu durant tout ce temps ? Pourquoi m'avoir laisser sans nouvelles ?
Oh ma pauvre fille, je t'assaille de questions alors que j'ai une folle envie de te prendre dans mes bras...

Elle courut à la rencontre de son enfant, la serra dans ses bras, l'embrassa.

- Enfin tu es là ! Que ce jour soit béni !

Se tournant vers Athanase, elle se confondit en excuses :

- Pardonnez moi Messire de me laisser ainsi aller, mais je me dois de vous présenter ma fille, la merveilleuse Celemoor dont je suis très fière.

Elle emmena Celemoor jusqu'à la table :

- Tu bois toujours du rhum ?

- M… Ma… Maman ?

Karon Athanase vit dans le regard de Célébrindal que cette phrase lui était destinée et qu'il s'agissait d'un heureux passage.
Il vit la femme se lever sans retenu et s'excusa auprès de lui pour cet empressement.
Aucunement véxé, il l'en encourageait que plus.

Athanase fut attendrit par cette situation aussi incongrue qu'attendrissante.
Il se leva pour accueillir Célémoor à la table.

- Pardonnez moi Messire de me laisser ainsi aller, mais je me dois de vous présenter ma fille, la merveilleuse Celemoor dont je suis très fière.

- Nous n'avons pas eut l'occasion de parler réellement directement.
Mais, il me serait difficile de ne pas connaître une aussi redoutable guerrière.
Cependant, nous nous connaissons.
Nous avons notre guilde en commun.

Athanase se tut un instant et continua.

Je suis tout de même stupéfait d'apprendre qu'elle est votre fille.
Même si elle a hérité de votre beauté et de votre force sans conteste.

Tout trois s'assièrent ensemble.

- Souhiatez-vous boire quelque chose? demanda Athanase à Célémoor.

- Tu bois toujours du rhum ?

Au regard de Célémoor, Athanase sentit qu'il avait peut-être fauté.
Mais elle répondit en "sortant une petite bouteille de sa poche, se saisit d’une choppe où elle versa un liquide orangé qui dégageait une douce odeur de fruits... et de rhum."

Décidément, Célébrindal était une piètre mère. Elle se rendit compte, aux propos d'Athanase, qu'elle ne savait rien de la vie de sa fille. Toujours dans la culpabilité d'avoir été si peu présente pour elle, le clou s'enfonça encore un peu plus. Elle avait la sérieuse impression d'avoir tout raté. Elle fut déstabilisée et tenta une réponse bredouillante :

- Ah ! Vous êtes donc unis sous la même bannière... Cela me soulage que tu puisses ainsi combattre aux côtés de guerriers tel que ce Seigneur. Il semble avoir tant de bon sens.

Puis s'adressant directement à Athanase :

- Je comprends que notre filiation puisse vous surprendre. Visiblement Celemoor ne parle guère de sa famille. Il faut dire que son père tout comme moi avons consacré peu de temps à l'éducation de nos enfants, nous ne les avons pas vu grandir.

Nous avons apparemment encore beaucoup à apprendre l'un sur l'autre cher Anasthase. Cette discussion risque de durer plus longtemps que nous ne le supposions au départ. Cela dit, ce n'est pas pour me déplaire !

En prononçant ces derniers mots, Célébrindal se rendit compte que la situation dans laquelle elle se mettait pouvait fortement interroger sa fille. Il ne fallait pas qu'elle pense que ses parents étaient en difficulté conjugale, il ne fallait pas qu'elle pense que sa mère était volage, il ne fallait pas qu'elle pense que quelques sentiments naissaient entre Anasthase et sa mère...

Célébrindal avait toujours énormément de difficultés à cacher ses émois. Elle n'était guère en position de donner quelque conseil que ce soit et lorsque Celemoor sortit sa bouteille de "punch", Célé la félicita.

Celemoor ne comprenait rien à cette réaction. Jamais elle n'aurait penser avoir la bénédiction de sa mère sur ce point.

Un large sourire se dessina sur le visage de la jeune femme, ses yeux devinrent humide. Aucun mot ne pouvait décrire l’immense bonheur qui venait de l’envahir.

- Laissez de côté la piraterie ? Vous avez là une bien curieuse idée, maman !

Celemoor aurait voulu lui conter toutes les aventures qu’elle avait vécues, le plaisir d’être bercer par la mer, de sentir les embruns vous fouetter le visage. Elle aurait voulu lui conter la poursuite du Hollandais, ces îles tropicales inconnues de l’usurpateur.

- J’ai vogué sur toutes les mers de l’Empire, cherchant aventure et fortune.

Puis elle salua poliment Athanase, avec toujours ce sourire radieux et ces yeux humides, avant de s’asseoir.

- Euh le Rhum… Euh !

Elle savait que trop bien que ce point était un sujet de discorde entre sa mère et elle. Toutefois elle décida de lui présenté une trouvaille qu’elle avait faite.

Lors de sa chasse au Hollandais Volant, un pirate maladroit avait fait choir plusieurs bouteille de jus de fruit dans un fut de rhum, entraînant un début d’émeute à bord du navire. La tension montait à bord divisant l’équipage et menaçant de se transformer en bataille rangée. Jusqu’à ce qu’un jeune mousse profitant de la discorde goutte au précieux mélange et le trouve fort à son goût trouvant que celui ci lui donnait du punch. Il fut donc convenue d’appeler ce mélange du « punch ».

Celemoor sortit une petite bouteille de sa poche, se saisit d’une choppe où elle versa un liquide orangé qui dégageait une douce odeur de fruits... et de rhum.

Karon Athanase contemplait la scène de la plus grande objectivité possible.
Il ne savait pas comment se placer par rapport à tout cela.

Des retrouvailles sont des moments intimistes.
Ne serait-il pas de trop fasse à tout cela?

Par ailleurs, le regard de Célémoor semblait soucieux mais aussi quelque peu hostile au sien.
ça nervosité se faisait ressentir jusque dans son coeur.
Ses pensées devaient fuser dans son esprit.

Mais il devait tout de même rester calme et ne pas offenser ces dames.
Il fallait tout d'abord faire honneur à ce coktail des îles.

- Je me rappelle avoir déjà bu un coktail de la sorte dans ma vie de mercenaire, avec du rhume et un agrûme mélangé, du sucre obtenu d'une plante locale et mélangé à des ingrédients bien particuliers bien épicés.
Ils appelaient cela un "ti'" ou "la mort subite", si je me rappelle bien!

Le premier est toujours le plus dur, mais une les flmmes dans notre bouche passé, il s'avère être fameux!

Le rhume est un alcool chaud. Il est fort pour délier les sentiments sans que l'on ne s'en aperçoive.
Il faut faire attention! dit-il en levant son verre.

- Attention ! C’est une boisson d’homme !

Ces quelques mots firent sursauter Célé. Sa fille avait-elle la mémoire courte au point d'oublier les effets désastreux que causaient les boissons alcoolisées sur sa personne ? Alors une boisson d'homme !

Cependant, la situation était bien trop délicate pour que la Guerrière puisse s'opposer à sa fille. Elle avait bien remarqué le regard désapprobateur que Celemoor lui avait jeté.
Elle saisit donc le gobelet qui lui était tendu et prendrait soin d'interrompre l'ingestion du liquide dès la perception de premiers signes avant coureur. Au moment où Célé portait le verre à ses lèvres, les propos d'Athanase l'arrêtèrent net.

Le rhume est un alcool chaud. Il est fort pour délier les sentiments sans que l'on ne s'en aperçoive.
Il faut faire attention

Célé devait-elle prendre un tel risque ? Que se passerait-il donc ? Elle n'était pas vraiment sûre d'elle. Elle savait bien qu'un certain trouble l'envahissait en présence de ce guerrier.
Voulant trouver une supercherie pour échapper à tout dérapage, elle reposa le récipient et "malencontreusement" le renversa..

La jeune pirate ne s’offusqua point de cette « opportun » maladresse. Elle avait mis en garde sa mère, se rappelant trop bien, dans quelles situations périlleuses, elle s’était mise par le passé. Toutefois elle ne voulait point que sa mère ne puisse trinquer à leurs retrouvailles.

La charmant rouquine avait toujours été pleine de ressources, tant pour semer la zizanie que pour faire en sorte que l’ordre règne. Elle fouilla dans son sac et sortit une gourde métallique.
Elle se saisit du verre, désormais vide, et y versa le précieux liquide qui se mit à mousser et dégagea une forte odeur de bière.

- C’est de la bière du Conte Rex ! J’en ai fait l’acquisition auprès d’une elfe répondant au nom d’Ewayne. Elle vit en Téliarok au sein de la communauté naine et dirige la production de cette bière !

Il convient pour une meilleur compréhension de se pencher sur ce curieux breuvage et sur son histoire. Aussi loin que remonte l’existence des nains, ceux n’ont eu que deux centres d’intérêts : La richesse et la bière !
C’est à cette dernière passion, que nous allons nous intéresser ! Il y a fort longtemps vivait parmi la communauté naine, un nain, un vieux guerrier grincheux qui avait obtenu le titre de Comte. Comme tous les nains, il ne cherchait pas à faire de la bière mais à faire LA bière. Une bière reconnue comme la parfumée, la plus goutteuse, la plus alcoolisée… La meilleure ! Il chercha longtemps dans sa demeure, mélangeant, ajoutant, filtrant, etc… et finit par obtenir une très bonne bière. Très bonne, mais pas la meilleure.

Toutefois le Comte n’était point nain à s’arrêter sur un échec. Il se rendit en ville, saoula un mage et lui déroba son grimoire. Ce qu’il n’aurait pas par le brassage, il l’obtiendra par la magie. De retour chez lui, il ouvrit le précieux ouvrage et se mit à la recherche de la formule désirée. Celle ci trouver, il lança l’incantation…. Qui se solda par la diffusion d’un nuage malodorant, la destruction du grimoire et une bière toujours pas conforme à ses attentes.

Désespéré, le comte se rendit à la taverne et commença à faire ce que tout nains fait dans une taverne… boire jusqu’à l’ivresse. De retour chez lui, il décida de boire un peu de sa bière avant de s’endormir. Son goût n’avait point changé, pas plus que sa couleur… Mais une chose surprit le Comte. Il n’était plus saoul ! Étonné de ce fait, il courut de nouveau à la taverne afin de se saouler. Avant de revenir chez lui et de renouveler l’expérience… avec succès.

Il commercialisa donc cette fameuse bière, à laquelle il donna son nom : Bière du Comte Rex-Ewyll et débuta une campagne de publicité au slogan porteur : « Buvez, Éliminez ».

Célébrindal buvait les paroles de sa fille, à défaut de boire autre chose.. N'était-elle pas merveilleuse ? Elle avait trouvé LA boisson pour sa mère, un breuvage digne de toute taverne et qui ne saoule pas. C'était inespéré. Ce Conte Rex mériterait d'être canonisé, il faudra en toucher deux mots à Cenys.

Déviant son regard de celui d'Athanase, Célé se sentait à présent rassurée et s'adonnerait comme tout autre Seigneur aux plaisirs de la boisson.

De sa voix cristalline, elle remercia Celemoor et vida le verre servi tel un sirop.

- Tu me vois comblée Celemoor. Grâce à toi ma vie prend un grand virage. Nous en parlions encore avec ton père hier...cette intolérance à l'alcool me cause bien des soucis. Pourtant, chaque guerrier ici bas doit, pour se faire respecter, boire dans les tavernes...

Elle se tourna à nouveau vers Athanase "Je vole victorieuse vers un destin différent. Célébrindal ne sera plus jamais la même et part vers une vie nouvelle"

Le pauvre homme ne devrait rien comprendre à la scène qui se déroulait devant ses yeux. Prise d'un élan inattendu, Célé lui déposa furtivement un baiser sur la joue "Étonnons nous tous les jours de ce que la vie nous réserve, aucune cause n'est jamais perdue à l'avance !"

Celemoor avait toujours paru aux yeux de ceux qui ne la connaissaient point comme une personne caractérielle, désagréable et rarement satisfaite, une sauvageonne au caractère rebelle.
Pourtant si l’on avait pu lire dans son cœur comme dans un livre, on aurait pu y lire combien cet instant lui apportait une immense joie. Combien le bonheur de sa mère la touchait au plus profond d’elle. Ceci aurait certainement écorné l’image que l’on se faisait d’elle, mais elle n’en avait cure.

Il était d’ailleurs surprenant de voir combien la jeune fille pouvait se montrer rebelle devant quiconque et s’assagir lorsqu’elle se trouvait auprès de sa mère. Le sot aurait vite fait de conclure qu’il s’agissait de l’effet de l’autorité maternel… Erreur !

Elle était heureuse de voir sa mère retrouver sa joie et son allant. Bonheur contrarié par le fait que sa mère ne lui accorde point plus d’attention qu’à ce gentilhomme.
Celemoor regarda Athanase. C’est vrai qu’il était bel homme et qu’il semblait être d’agréable compagnie. Cette pensée troubla la jeune fille.

Elle regarda Athanase et dit :

- Vous prendrez bien un verre avec moi… Avec nous !

Ses paroles avaient trahi ses pensées.

Tant d'allégresses en ces temps si sombres.
Athanase n'en avait point connu depuis si longtemps.
Il compris alors qu'il aspirait au bonheur et à la sincèrité de la confiance.
A un repos de guerrier, même partiel…

Il ne savait point s'il était ennivré par les boissons qu'il avait consommé ou s'il s'agissait des ces jeunes femmes aux charmes contrastés l'une de l'autre.

Il voyait cette conversation le reposer et apaiser ses muscles fatigués.
Tant de légèreté à présent dans son cœur.
Malgré lui, il se laissait griser à écouter les battements de cœur de ses interlocutrices.
Sa perception surnaturelle l'emporta dans sa curiosité.

Et au moment où il crut traduire un son clair du cœur de la douce femme aux cheveux d'or, il prit un rythme plus fort et plus enjoué. A mesure que Célémoor narrait l'histoire de ce maître nain à la trouvaille si peu commune.
Il fut surpris d'entendre la voix de Célébrindal aussi vive que son élan sur sa joue, habitué à la sévérité des combats.

Il fit en sorte qu'aucune des deux femmes ne perçoivent ce petit tréssautement et accepta sa surprise.
Ce qui n'était pas pour lui déplaire. Un souvenir lointain le rendant nostalgique pour un bref moment, on aurait pû le voir rougir si le soleil ne l'avait pas masqué à ce moment là.

Il regarda toutefois, Célémoor en prenant conscience de la situation.
Mais elle n'en fut pas plus affectée. Pas plus qu'un éclair auprès d'un autre.
Cependant, il ne pus relever son émotion.
Etait-ce son cœur à elle, celui de Célébrindal, ou le sien qui battait comme cela?

- Vous prendrez bien un verre avec moi… Avec nous !

Athanase releva le lapsus, mais ne pensait pas à ce qu'il soit révélateur.
Sur les Terres Eskarysiennes, les mots peuvent parfois dépasser les pensées.
Il compris tout de même l'invitation :

- Eh bien ma foi, si la saveur est aussi inattendu que les propriétés de ce houblon, je suis curieux de ce que cela produira!
J'accepterai avec plaisir que vous m'y fassiez goûter, s'il vous plaît!
Cependant, si vous n'y voyez pas offance, je continuerai sur cette bière qui m'est fidèle et m'apporte la chance des rencontres depuis des années.
Elle provient des Terres sèches de "Cervesas", je la fait importer exprès jusqu'à notre refuge.
Son peuple l'appelle "La Despé".

Je vous accompagnerai avec elle, en me rappelant encore une fois qu'elle m'a apporté la chance de notre rencontre…!

L'écart verbal de Célémoor n'échappa pas non plus à Célé. D'un sourire intérieur, elle se dit que cette enfant est bien sa fille. Elle commençait à avoir un goût assuré pour les hommes et le fait qu'Anathase retenait son attention n'était point fait pour lui déplaire. Cependant elle tenait à s'assurer que l'homme qui réussirait à conquérir le coeur de Célou le méritait bien. Aussi Athanase devrait convaincre la mère pour avoir la fille. Bien que cela était déjà en partie fait. Ce guerrier semblait des mieux élevés, charmant et respectueux. Bien entendu elle ne laisserait rien transparaître, non rien.

Afin d'honorer l'invitation de Célou, Célébrindal s'attabla et choisit la place entre sa fille et Athanase.

Célou, sers moi donc encore une choppe de cette délicieuse bière ! Elle lança un clin d'oeil à cette dernière qui savait fort bien où sa mère voulait en venir.

Elle repris alors la conversation avec Athanase :

excusez mon élan de tout à l'heure. Toutefois, il faut que vous compreniez qu'il est important pour moi de pouvoir partager des boissons dignes de ce nom avec mes amis. Ma sensibilité extrême à l'alcool est un réel handicap. Si je me suis ainsi permise cette familiarité à votre égard, c'est que je vous considère comme quelqu'un d'honorable.

Le regard de Célé pétillait de mille feux. Cette salle de réception lui apportait bien des satisfactions...

La jeune pirate avait probablement mille et un défauts, qui masquait peut être quelques qualités. Parmi ses défauts, il en était un qu’elle reconnaissait bien volontiers, sa grande timidité face au genre masculin lorsqu’il fallait construire entre autre choses qu’une entente cordiale ou une amitié. Elle n’avait jamais eu le charme de sa mère pas plus que son tempérament.

Celemoor n’était point jalouse de sa mère et point haineuse envers l’homme. Elle était d’ailleurs bien consciente d’être, comme sa marraine, un épouvantail à homme. Son tempérament de feu, sa fougue et son caractère entier faisaient fuir.

- Une choppe de bière ? Attention ma mère, mes réserves ne sont pas inépuisables !

Athanase se perdit un instant dans quelques pensées intérieures.
Inconsciement, d'une main, ses doigts caressait la pierre noir et teinté d'or qui ornait son cou. Son regard flânait sur la pièce et les gens absent de cette discussion.
Il prêtait quelques peu l'oreille à la musique qui entourait leurs discours.
Quelques questions s'entre-mêlaient nonchalament.
Il réajustait sa bague du pousse quand son visage se radoucit quand ses rêveries cessèrent doucement.

Elles ne durèrent que quelques secondes mais paru finallement des jours interminables, au point de ne pas savoir combien de temps il s'était écoulé exactement.
Il fut joyeusement ramené à la réalité en laissant la place à Célébrindal qui s'assit entre Célémoor et lui.

-Célou, sers moi donc encore une choppe de cette délicieuse bière ! Elle lança un clin d'oeil à cette dernière qui savait fort bien où sa mère voulait en venir.

Athanase releva le clin d'oeil de Célébrindal lancé à sa fille soulevant un sourcil de perplexité.
Est-ce mon vagabondage qui m'empêche de saisir la subtilité?
Qu'importe, je le saurai en temps voulu...! Ponctua-t-il d'un léger sourire en coin. Il s'avança doucement posant ses avant bras sur la table.
Le pouce et l'index épousant les formes de son visage, il contempla, amusé, cette situation qu'il ne saisissait pas encore.
Il rit doucement et écouta la douce voix mélodieuse qui, cette fois-ci, lui était destiné :

-excusez mon élan de tout à l'heure. Toutefois, il faut que vous compreniez qu'il est important pour moi de pouvoir partager des boissons dignes de ce nom avec mes amis. Ma sensibilité extrême à l'alcool est un réel handicap. Si je me suis ainsi permise cette familiarité à votre égard, c'est que je vous considère comme quelqu'un d'honorable.

- Vous n'avez pas à vous justifier gente dame.
Je ne me permettrai pas de croire à mal en outre mesure. Je trouve votre compliment fort attachant, il est rare que l'on m'offre cette attention.
Je ne les accepte pas de quelconque gens, cependant!
Mais vous m'en voyez flatté, croyez-le!
Je n'ai pas eu grand vent de votre faiblesse quand à l'usage de l'alcool, je suis ignorant de celle-ci.
Toutefois, il est enivrant de voir votre application à faire honneur aux gens que vous semblez aprécier.
Vous pouvez tout de même apréciez les boissons qui vous enchantent, ainsi vous aprécierez mieux nos discussions.

Il rit posément en prenant conscience de sa sincèrité ouverte. Il parlait en ces termes et se surprit à parler avec authenticité et sans restriction.
Un second rire l'accompagna, plus simple et doux en son coeur.
Il admira la profondeur des yeux azurés de la jeune femme aux cheveux ardents quand elle s'exclama :

- Une choppe de bière ? Attention ma mère, mes réserves ne sont pas inépuisables !

Il rit à nouveau, plus discrêtement pour ne froisser personne, et laissa ses pensées librement s'exprimer :
- Je remercie les astres de m'avoir guidé sur votre chemin. Il est si doux à l'âme d'être en votre compagnie.

Ce cadre amical est un enchantement pour l'homme que je suis... salua-t-il en inclinant la tête respectueusement.
Puis, relevant le visage, les yeux plissés d'un sourire pur et sans manière, il capta d'un heureux hasard le regard de la guerrière à la peau hâlé.
Se parlant comme pour lui même et il continua très doucement :
De plus, Je dois être un des hommes les plus enviés de me retrouver en la présence de deux des plus belles femmes du royaumes...!

Ses propos spontanés le dégrisa et se tut peinant à ne pas en rougir...